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Une communication au séminaire SLAC


Invitée par Mathilde Roussigné, j'ai eu le plaisir d'intervenir au séminaire du SLAC lors d'une séance intitulée "Quelles approches matérialistes pour la littérature contemporaine?" https://adlc.hypotheses.org/quelle-approche-materialiste-pour-la-litterature-contemporaine

J'ai alors choisi de présenter la notion de "réalisme des réseaux" à travers plusieurs exemples littéraires. Voici le texte de mon intervention.

Qu’est-ce que le « réalisme des réseaux » ?

« Quelles approches matérialistes pour la littérature contemporaine ? » Le thème de ce séminaire m’a fait penser à la notion de réalisme des réseaux, intéressante à cerner. Ce concept a déjà été défini de façon assez convergente par plusieurs auteurs, et nous pourrons en faire rapidement notre propre réinterprétation à la lueur de quelques œuvres numériques, pour voir enfin comment le réalisme des réseaux peut être projeté dans quelques romans contemporains français.

Des propos théoriques convergents

A l’origine, cette expression a été forgée en octobre 2010 par James Bridle, qui parle de « réalisme des réseaux »[1] ( « Network realism ») dans une sorte de manifeste que l’on trouve en ligne.

« Le réalisme des réseaux est l'écriture qui provient des réseaux et les prend pour sujet. On peut parler de réalisme parce que c’est tellement proche de notre réalité actuelle. C’est un réalisme qui postule une relation de plus en plus à l’échelle 1 sur 1 entre la fiction et le monde. Un lien en temps réel. Et il est en réseau parce qu’il vit dans un lieu qui n’a été rendu possible que récemment par notre connectivité technologique. »

« Cette écriture existe sur une chronologie, mais il ne s’agit pas d’une simple ligne vers le passé et l’avenir. C’est un rassemblement de nombreuses lignes du monde actuellement possibles, vues depuis la superposition presque omnisciente du réseau. Le flux de commande de l'univers. Réalisme spéculatif, fiction en réseau: réalisme en réseau. »

James Bridle définit donc une forme nouvelle de réalisme ubiquitaire, sa forme augmentée, qui semble superposer des niveaux de réalités multiples. La notion de présent et de temps réel y est essentielle, dans un lieu connecté, mondialisé.

Cela peut rappeler ce que Marcello Vitali Rosati affirme dans son essai S’orienter dans le virtuel [2]: « Le temps réel est le temps du moment présent, celui où nous nous trouvons. Grâce à leur présence immédiate, les événements en temps réel échappent au dispositif de la représentation. C’est justement le mouvement continu du virtuel et sa fonction de connexion qui rendent possible cette structure : ce qui se passe dans le domaine des TIC est dans l’instant présent et n’est donc pas représenté. Ce n’est pas une copie de la réalité faite en temps différé, c’est la réalité elle-même. »

Alexandre Gefen[3] affirme aussi qu’« assurément l’heure des réseaux est celle d’un retour victorieux de l’écriture dans le réel, d’une réappropriation de l’histoire par le sujet ; d’une réévaluation des pouvoirs d’influence du style et de la rhétorique. »

Quant à Kenneth Goldsmith[4] dans L’écriture sans écriture, il prend la mesure de la matérialité des réseaux : « 4500 trillions de mots ont été consommés en 1980, 10845 trillions en 2008, 100000 mots par personne et par jour aux USA (…) jamais le langage n’avait disposé d’une telle matérialité, fluidité, plasticité, malléabilité, implorant d’être activement ressaisie par l’écrivain. » (p.33) Il parle d’un écosystème textuel, comparant les mots à l’eau sur terre. Et il voit l’écrivain contemporain comme un artiste programmeur, qui, en quelque sorte recombine les datas dans un monde où tout a déjà été dit. Pour Kenneth Goldsmith, cette démarche d’écriture sans écriture est aussi une nouvelle forme de naturalisme à la Zola p.104 « Ce registre de l’écriture sans écriture ouvre à une poétique du réalisme qui rappelle les bases documentaires sous-jacentes à la série des Rougon-Macquart d’Emile Zola, où en guise d’œuvre alimentaire pour écrivain pauvre, il entreprend le gigantesque projet de « comment décrire » exhaustivement la vie française durant le second empire. (…) Dans l’inspiration de Zola, l’écriture neuve est un réalisme au-delà du réalisme : elle est hyperréaliste- un photoréalisme littéraire. » et Kenneth Goldsmith compare par exemple à cette démarche celle de Vanessa Place, dans Statements of facts, une avocate qui transforme ses documents de travail, les dossiers de ses clients, en littérature. Il s’agit de description de faits commis par des criminels sexuels (où seules les informations sur les témoins ou la victime sont supprimées).

Quelques œuvres numériques illustrant le réalisme des réseaux

Certaines œuvres, qui s’inscrivent directement sur les réseaux, s’emparent des datas, elles se saisissent de leur matérialité brute. C’est une façon de renverser le rapport de force entre l’aspect massif de ces données et nos fragiles individualités.

Traque Trace, de Cécile Portier, est un atelier d’écriture collectif en résidence mené au lycée Henri Wallon d’Aubervilliers avec les élèves. Cécile Portier affirme à propos de ce projet: « Chaque jour nous sommes, nous, êtres de chair, mis en données. Chaque jour nous produisons, en nous déplaçant, en communicant entre nous, un nombre incalculable de traces qui sont stockées, analysées, réutilisées. Chaque jour nos faits et gestes sont traduits en données, dont l’agrégation et le sens final nous échappe. Nous sommes identifiés, catégorisés, sondés, profilés, pilotés. Notre vie s’écrit ainsi toute seule, comme de l’extérieur. C’est un constat. Il serait angoissant, désespérant, si nous n’avions pas toujours nous aussi la possibilité d’écrire notre vie. De reprendre la main sur les catégories. D’en jouer. Cette fiction a ce but. Jouer avec les données au petit jeu de l’arroseur arrosé. Écrire les données qui nous écrivent. Refaire pour de faux leur grand travail sérieux d’analyse et d’objectivation. » Les lycéens ont écrit une fiction collaborative à partir de statistiques et de tirages aux sorts, piochant tous les éléments de leur histoire dans des banques de données.

My google body [5]de Gérard Dalmon reconstitue en ligne dans une image composite les différentes parties d’un corps à partir de requêtes Google qui sont assemblées de façon aléatoire : bras, jambe, torse, tête, pied, etc… et qui changent régulièrement. Cela a beau former une image, elle est bien composée de texte, puisque chaque partie de la silhouette est l’illustration d’une requête formulée dans Google. L’effet comique vient du fait que Google interprète les mots de cette requête de façon aléatoire, aussi bien dans leur sens propre que dans leur sens figuré, et l’on pourra trouver l’image incongrue du bras d’un fauteuil, par exemple, la main d’un squelette, ou un pied de lampe, pour constituer une silhouette incohérente au carrefour des réseaux, au gré du flux d’images qui se succèdent. Cette œuvre mouvante rappelle certains livres cartonnés pour enfants, avec des pans à rabattre : ils découpent des silhouettes pour les recomposer de façon comique en les croisant, cela nous ramène à la réalité complexe et éclatée des réseaux qui décomposent tout pour recomposer un monde hétérogène et instable.

Lucette gare de Clichy[6] de Françoise Chambefort est aussi une œuvre numérique, que j’affectionne spécialement : elle exploite la notion de temps réel puisque sur la gauche de l’écran apparaissent en temps réel les trains de banlieue qui passent devant la fenêtre de Lucette, cette grand-mère, dont le beau visage ridé apparaît photographié au centre de l’œuvre, toujours posant près de sa fenêtre, mais avec des coiffures et même des couleurs de cheveux différentes. A droite, ce sont des paroles de Lucette, qui se succèdent, écrites, et certaines sont liées au nom du train qui passe justement à cette heure-là, celle où vous, le spectateur, vous regardez Lucette. C’est à mon avis très beau, parce que cette œuvre, qui s’inscrit vraiment dans le temps réel avec ce défilement des données SNCF du moment, nous parle à la fois du temps qui passe, de la solitude, mais elle est aussi vivante en continu, et quand nous regardons cette œuvre, nous rendons visite à Lucette, donc nous brisons sa solitude par notre regard et notre écoute. C’est donc une œuvre assez simple dans son principe, mais fondée sur des contradictions très subtiles comme celle du temps qui s’écoule et qui reste tout à la fois pour notre Lucette à jamais seule… ou plus jamais seule ?

« Internet aspire dans l’espace public les expressions personnelles des internautes » dit Dominique Cardon, dans La démocratie internet. Internet aspire donc aussi la littérature, mais la littérature peut-elle aspirer les réseaux ?

On peut envisager cette question du réalisme des réseaux d’un point de vue intermédial, c’est-à-dire, comme le définit Serge Bouchardon, en se demandant comment il passe d’un système médiatique à un autre, avec cette notion de remediation « remédiatisation » :

Comment retrouve-t-on, transposé, ce réalisme des réseaux dans certains romans contemporains français ?

Je prendrai deux exemples assez différents : Autour du Monde de Laurent Mauvignier, Féérie générale d’Emmanuelle Pireyre.

Dans Autour du monde de Laurent Mauvignier, il n’est pas question – ou alors très peu- explicitement des réseaux numériques. Cependant voilà un roman où le réalisme des réseaux tel qu’il est défini par James Bridle semble vraiment s’inscrire. Il dessine la globalisation du monde à partir de 14 histoires apparemment isolées. Ces multiples récits ont pour point commun le fait de se dérouler le 11 mars 2011, à l’heure du tremblement de terre au Japon, qui entraîne un terrible tsunami et donne lieu au drame de Fukushima qui va «transformer la planète en un immense corps conducteur». On a donc à la fois un fractionnement de l’œuvre en 14 histoires disparates aux quatre coins de la planète, mais aussi la sensation d’un flux qui les unit, accru par le fait que tous les personnages sont eux-mêmes en train de voyager d’un point du globe à l’autre, pour former une image de « ce grand corps grouillant qu’est le monde globalisé ». Le récit circule comme les personnages à la manière du séisme qui parcourt la terre. Quand James Bridle, pour définir le réalisme du réseau, évoque « un rassemblement de nombreuses lignes du monde actuellement possibles, vues depuis la superposition presque omnisciente du réseau. Le flux de commande de l'univers » il pourrait tout à fait s’agir d’une description de ce roman. Malgré la grande solitude de certains personnages, le romancier réussit à établir l’impression d’ « une interconnexion permanente entre les gens et les choses », comme le dit très bien Anaïs Guilet[7] . Laurent Mauvignier insère aussi entre chaque histoire une photo qui représente l’endroit visité par les héros. Il ne s’agit pas d’une très belle image, volontairement, mais d’un cliché d’apparence banale qui ressemble souvent à une carte postale de qualité médiocre. Ce n’est sans doute pas un hasard si la première image intégrée au récit est celle d’un réseau, car c’est le plan du métro de Tokyo, tandis que la deuxième représente le sillage d’un bateau. Ces deux images mettent discrètement en abyme le projet romanesque de l’auteur, tandis que les autres sont plus typiques des lieux évoqués, comme le Kremlin, le Mur des lamentations, le lion d’un safari au Kenya, etc…

Les personnages nouent donc des liens avec les lieux, dans le roman de Mauvignier, mais l’auteur fait aussi beaucoup jouer le curseur du temps dans son récit, ici 20 ans en arrière, là 40 ans plus tard, avec un usage de la prolepse particulièrement fréquent : alors que tout semble se produire au même moment le 11 mars 2011, des liens complexes se tissent avec le passé et le futur des personnages. On découvre que leur situation présente est issue des effets de leurs actions passées voire de l’histoire de leur famille ou même de l’Histoire tout court. On apprend aussi souvent quels seront les impacts de ce moment bien plus tard. Il ne se produit donc pas que des secousses dans l’espace, dans Autour du monde: les ondes parcourent le chronotope.

Laurent Mauvignier cherche à contenir dans l’espace littéraire forcément restreint de son roman l’imaginaire d’un réseau global, comme le révèle cette évocation d’un bureau de poste en conclusion du livre. Cette dernière image est une représentation d’ensemble de la société, de ses échanges frivoles qui tombent dans l’oubli, une sorte de « Big-data-imaginaire ».

« Pour l’instant, il entre dans le bureau de poste de la rue du Louvre, il imagine les lettres et les colis par milliers, les gens qui circulent au même moment partout dans le monde. Il imagine les montagnes de sacs postaux et il pense à tous ces mots, par millions qui s’écrivent, se lisent, se froissent, s’oublient, s’ignorent, et à tous ces gens qui se frôlent et ne se rencontreront jamais. »

Contrairement à Autour du monde, les normes de l’écriture numérique sont omniprésentes dans Féérie générale d’Emmanuelle Pireyre. La romancière adopte une forme encore moins linéaire pour inventer elle aussi tout une société. Les liens faibles entre les personnages créent par sérendipité des rapprochements improbables mais riches, des ricochets se propageant entre les fragments narratifs distincts, un «small world phenomenon» assez malicieux et convivial, un peu à la manière des forums ou des fans fictions sur internet évoqués dans le roman. La lecture de ce livre évoque une navigation sur le Web, morcelée, de rubrique en rubrique. Cette œuvre adopte une écriture web, quasi-cliquable, avec des rubriques à la récurrence capricieuse. A la manière du générique d’une série ou comme les listes d’amis d’un réseau social, chaque entête de chapitre annonce la liste de ses acteurs, et ce qui frappe d’emblée, c’est l’hétérogénéité du casting, volontairement comique. Ainsi dans le chapitre 3, nous croisons la route des 3 cadres culturels, de la Team municipale, de Léon Tolstoï, de Philippe, d’une Zurichoise et son dentiste, de Sabrina et son chirgurgien dentiste, de C.G. Jung, et de la population des kids. Elle intègre aussi à sa fiction un authentique universitaire américain, spécialiste du Web, Henri Jenkins. Le réalisme du réseau a pour caractéristique d’obéir à des logiques improbables. Alors que le contenu du livre semble parfaitement classé en sections, avec des sous-titres, rangé dans une table des matières annoncée en préambule, la lecture est faite pour dérouter le lecteur qui doit accepter de naviguer dans cette fiction du coq à l’âne à la manière d’une promenade sur le web, dont la romancière tiendrait la souris, au gré de ses fantaisies. Les titres même des chapitres qui cumulent pour la plupart des questions en « Comment » ressemblent (en beaucoup plus bizarre) au palmarès hétéroclite des questions les plus posées sur Google qui sont publiées régulièrement et donnent lieu à de jolis inventaires . Pourtant la romancière est celle qui crée des ponts entre les éléments les plus hétéroclites, et le lecteur, dont l’attention est activée par l’inattendu, trouve des repères, s’amuse des liens et de la cohérence nouvelle qui s’opère malgré le grand fractionnement narratif. C’est à nous d’opérer les connexions qui ne sont pas données d’emblée comme évidentes. Comme le dit Agnès Blesch :

« L’écriture zigzagante d’Emmanuelle Pireyre subvertit l’effet apparent de fragmentation en créant une continuité entre les sections, et ouvre au sein de ces dernières, de nouvelles perspectives et de nouveaux points de réflexion. »

La romancière se saisit de la sérendipité du net pour créer une véritable poésie, mais aussi pour soutenir les chances de rencontres improbables. Le monde d’aujourd’hui reconfigure les connexions humaines, et c’est ainsi que les relations amoureuses se multiplient et diversifient les profils des nouveaux voisins, ce qui permet à la romancière de faire le portrait d’une société plus surprenante :

« C’est ainsi grâce à ces sites de rencontre qu’au rythme accéléré des divorces, nous voyons débouler chez nous à nos barbecues buvant des bières au milieu de nos jardins tous ces nouveaux partenaires, ces gens étranges rencontrés via les Meetic, les Webromantique, ou les Mektoube. Nous voyons débouler sur nos pelouses et parmi nos massifs de dalhias ces bandes d’hôtesses de l’air et d’inspecteurs des impôts, ces ingénieurs de l’armée, ces directrices de centres de formation, ces électriciens au regard fuyant, tous ces coiffeurs décomplexés qui ne cessent de nous surprendre. Ainsi déferlent dans les familles des gens qu’on n’avait pas l’habitude d’épouser, des gens qu’on n’avait jamais rencontrés auparavant lorsqu’on se mariait via les méthodes anciennes (…). »

Quand Dominique Cardon évoque dans son essai la « collection disparate de traces d’activités décousues révélant de façon kaléïdoscopique des micro-facettes identitaires » qui constitue pour lui l’individu numérique, on pense aussi à la conception du personnage dans le roman d’Emmanuelle Pireyre quand elle affirme par exemple « Nous ne restons pas absorbés. Nous voulons nous partager entre quantités d’objets, autant de fois que nécessaire ». Batoule, l’une des figures les plus saisissantes de ce roman, est par exemple d’une grande complexité : cette simple collégienne est une musulmane voilée, qui joue du violoncelle et se partage sur le web, où elle est très active, entre plusieurs sites. L’un est consacré au bien et au mal : la jeune fille passe son temps à y discerner ce qui est moralement acceptable. L’autre est un site de fan-fictions dont elle est l’une des animatrices principales mais aussi une autrice prolixe. Batoule est un personnage kaléidoscopique hyperconnecté : ce sont les réseaux numériques qui permettent cette complexité identitaire, et ils constituent pour elle un facteur d’émancipation. Le réalisme du réseau permet d’échapper aux schémas de personnages préconstruits et attendus.

Il existe bien un danger dû au désordre et à la saturation de cette nouvelle culture, qui procède par accumulations, ce qui assez souvent souligné dans le roman. Ainsi, Emmanuelle Pireyre décrit aussi les villes génériques :

« Dans ces villes-là, les constructions s’ajoutent aux constructions, nouveaux bâtiments et nouvelles rues s’étalent jusqu’à ce qu’un obstacle les force à s’arrêter, front de mer, fumeroles d’un volcan »

La mondialisation occasionne un énorme empilement de data: « on se rend compte que les adjonctions de pancartes et d’histoires n’ont pas cessé, et que tout ce fatras s’empilant, à force de copies, de fake et de divagations, on a désormais un nouvel inconnu : une gigantesque et bouleversante chimère. » Le grand nombre de fan-fictions crée un vrai fatras « comme si le monde n’était pas déjà une pagaille irréversible suffisamment innommable » avant que la romancière ne se rende compte qu’elles sont strictement classées, de façon fascinante, par les adolescentes.

Emmanuelle Pireyre crée une tension entre une esthétique de l’éclatement (de ses récits, de ses personnages), de la saturation, et la valorisation de nouveaux liens porteurs d’espoir qui réorganisent tant bien que mal le désordre ambiant. La féérie advient à travers les connexions humaines inattendues : ces « communautés d’usagers qui développent une identité collective et s’engagent dans des activités de coopération et de support mutuel » que décrit Roberto Casilli dans Les Liaisons numériques.

Ces deux romans très différents, mais éclatés dans leurs formes, auquel j’aurais pu ajouter bien d’autres exemples, comme Vernon Subutex de Virginie Despentes qui est une fresque romanesque au centre de ma thèse, semblent a priori raconter de multiples histoires, alors qu’en fait ils dessinent à leur manière la cohérence réticulaire d’un monde solidaire. Cette ambition sociale intègre les principes du réalisme du réseau, tel qu’il a été défini par James Bridle, parce qu’elle est imprégnée de la matérialité du web, son esthétique intègre les principes accumulatifs des datas, les mouvements simultanés, le multiple et l’instable, ce qui n’empêche pas ces romans d’être marqués aussi par un idéalisme profond.

[1] James Bridle, Network Realism: William Gibson and new forms of Fiction http://booktwo.org/notebook/network-realism/

[2] Marcello Vitali Rosati S’orienter dans le virtuel, Hermann, 2012, p.106

[4] Kenneth GOLDSMITH, L’écriture sans écriture,

[5] Gérard DALMON, My Google Body, 2005, http://www.neogejo.com/googlebody/init.html

[6] Françoise CHAMBEFORT, Lucette, gare de Clichy, http://www.francoise-chambefort.com/lucette-gare-de-clichy

[7] Anaïs GUILET, « Around the World, Around the World, etc. : l’esthétique du flux dans Autour du monde de Laurent Mauvignier », colloque « Internet, cheval de Troie », http://www.fabula.org/colloques/document4145.php


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